UN PETIT MALENTENDU SANS IMPORTANCE
Paul attend que la porte automatique se soit ouverte pour pénétrer dans la voiture, il cherche du regard le numéro de leurs sièges et il s’avance dans le couloir, tirant une valisette bourrée à craquer. Elisabeth est juste derrière lui. Elle replie le journal qu’elle était en train de lire sur le quai. Ou du moins, elle essaie. Elisabeth a l’art de plier les pages d’un journal de manière telle qu’il est ensuite impossible à Paul de les remettre en ordre.
Il s’est assis après avoir rangé la valisette dans le compartiment au-dessus des fauteuils. Il attend qu’Elisabeth se soit installée à côté de lui. Ils ont des sièges tournés vers l’arrière du train, mais cela n’a jamais dérangé Paul de voyager ainsi, alors il ne s’en inquiète pas. Même s’il se demande si Elisabeth ne va pas être incommodée.
« Est-ce que tu sais à quelle heure on arrive à Paris ? demande-t-elle en s’efforçant de mettre le journal en charpie.
– Dans une heure vingt-cinq, dit Paul. Enfin, je veux dire, à partir du moment où nous aurons démarré.
– Il faudra penser à appeler Camille.
– J’ai son numéro en mémoire, dit Paul. Nous l’appellerons cet après-midi. »
Plusieurs voyageurs se faufilent dans l’étroit couloir, jetant des coups d’œil aux numéros des sièges. Un monsieur en costume bleu sombre, portant une fine cravate bordeaux, se penche vers Elisabeth.
« Êtes-vous certaine d’être à la bonne place ? demande-t-il. On m’a attribué ce siège, d’après moi.
Il présente son billet, comme preuve de ce qu’il avance. Elisabeth se tourne vers Paul, qui se dresse pour examiner le document.
– Vous êtes dans la voiture 8. Ceci est la voiture 7, dit-il avec un sourire.
L’homme en costume l’écoute en fronçant les sourcils, comme s’il ne comprenait pas ce langage. Puis il soupire.
– Un petit malentendu sans importance, dit-il, avant de tourner les talons et de s’éloigner.
– Il aurait pu au moins s’excuser, dit Elisabeth. Oh, regarde qui arrive là.
– Qui ? dit Paul, en contemplant le journal métamorphosé en boule de chiffon.
– Claire, dit Elisabeth. C’est Claire.
Paul lève les yeux.
– Claire ?
– La femme de mon collègue de bureau, explique Elisabeth. La femme de Jean-Christophe. Tu ne la reconnais pas ?
– Tu en es sûre ? dit Paul avec une moue dubitative.
– Mais oui. Tu la connais, tu as dansé avec elle à la fête de fin d’année.
– Si tu le dis », fait Paul.
Elisabeth lève une main pour attirer l’attention d’une jeune femme blonde qui cherche son siège. Elle porte un tailleur un peu léger pour la saison, et ne possède, pour tout bagage, qu’un minuscule sac à main, pas plus grand qu’une pochette.
C’est à ce moment que le train s’ébranle. La blonde s’assied, à cinq ou six rangées de celle où Paul et Elisabeth se trouvent.
« Coucou ! Claire ! dit Elisabeth en se dressant pour se montrer.
La jeune femme blonde a tourné la tête vers le quai qui commence à défiler de plus en plus vite.
– Assieds-toi, dit Paul. Tu t’es sans doute trompée. Elle t’aurait reconnue.
– Elle ne m’a pas entendue à cause du bruit du train, dit Elisabeth. Je vais aller lui dire bonjour. »
Paul la regarde qui se glisse entre les sièges. Il se frotte le front d’un doigt, qui glisse lentement jusqu’à son nez.
Le train prend de la vitesse, et à un croisement de voie, se met à trembler, si bien qu’Elisabeth doit se tenir au dossier d’un siège pour ne pas trébucher. Elle s’arrête devant la jeune femme blonde.
« Quelle surprise ! dit-elle. Tu vas aussi à Paris ? C’est vraiment étonnant qu’on se retrouve dans le même train.
La blonde tourne très lentement la tête.
– Pardon ? dit-elle.
– Bonjour, Claire, dit Elisabeth avec un large sourire. Tu vas bien ?
Elle est sur le point de demander où est Jean-Christophe, mais elle s’arrête à temps, de peur de se montrer indiscrète.
– Je pense que vous faites erreur, dit la blonde, le visage impassible.
– Une erreur ? dit Elisabeth. Vous n’êtes pas Claire ?
Cette fois, Paul intervient. Il se lève et interpelle sa femme.
– Reviens, Elisabeth. Tu vois bien que tu t’es trompée.
– Je ne m’appelle pas Claire, dit la blonde. Et je n’ai pas l’impression de vous connaître.
– Ce n’est pas possible, dit Elisabeth. Tu me fais marcher. »
La blonde reste silencieuse, comme si elle avait dit tout ce qu’il fallait sur ce sujet.
« Ça n’existe pas, une ressemblance pareille !
– Je suis aussi étonnée que vous », dit la blonde.
Après quoi, elle ouvre son petit sac en main et se plonge dans l’observation de ce qu’il contient.
Elisabeth remue la tête de manière incrédule. Elle se tourne vers Paul, qui lui adresse un signe de la main pour l’inviter à revenir auprès de lui. Au bout d’un moment, Elisabeth obtempère, constatant que la blonde a décidé de l’ignorer.
« C’est elle, déclare Elisabeth en s’asseyant. J’en suis persuadée. C’est Claire, on ne m’ôtera pas ça de la tête.
– Il arrive que des gens se ressemblent, dit Paul en lissant la première page du journal du plat de la main.
– Incroyable, dit encore Elisabeth. J’ai bien envie d’appeler Jean-Christophe pour lui demander s’il sait où se trouve sa femme. C’est dommage que je n’aie pas son numéro sur moi.
Paul tourne lentement les yeux vers Elisabeth. Ils échangent un regard. Puis Paul respire un grand coup.
– Si j’étais toi, je m’abstiendrais », dit-il à voix basse.
Elisabeth ne cesse de jeter des coups d’œil à la blonde, mais celle-ci se comporte comme si rien de particulier ne s’était passé et que cette affaire ne la concernait nullement.
Le train a pris sa vitesse de croisière. La campagne défile, humide de pluie. Une équipe de contrôleurs passe vérifier les billets. Elisabeth se rend aux toilettes, et en profite pour s’arrêter devant la jeune femme blonde. Celle-ci semble dormir, la tête contre la vitre.
Le voyage passe vite. Déjà, on traverse la banlieue, avec ses hauts immeubles délabrés. Le train a ralenti. Il se glisse jusqu’au quai de débarquement. Paul s’empare de la valisette et attend que le couloir se dégage pour sortir. Au passage, Elisabeth jette un dernier regard à la blonde, qui n’a pas bougé.
Lorsqu’un des contrôleurs vient vérifier entre les sièges qu’aucun voyageur n’a oublié de bagages, la jeune femme blonde est toujours assise. Elle est seule dans la voiture à présent vide. Le contrôleur se penche vers elle.
« Madame… Nous sommes arrivés. C’est le terminus.
La blonde lève les yeux vers lui.
– Oui, dit-elle. Oui. Je sais. »
Et c’est alors qu’elle se met à pleurer, des larmes qui coulent lentement le long de ses joues sans qu’elle fasse rien pour les arrêter.
Bonjour je voulais savoir en faite le genre de nouvelle que c’était plus dramatique ou autre de ces nouvelle ici :
-Invitation au trépas
-Jusqu’à l’os
-Encore un peu de patience
-Prèsque aussi sombre que mon âme
– un autre nom pour l’amour
-le sens de la tragédie
– un peu après la fin du monde
Merci d’avance